On ne me voit pas parmi vous, mais je suis bien là. Je suis là sans pouvoir répondre présent.
D’ailleurs c’est souvent comme ça, entre mon corps et moi, depuis que « TCA » fait partie de ma vie. De nos vies.
J’ai tellement de choses à dire, mais c’est aussi tellement intimidant de me retrouver face à autant de professionnels… Mes expériences avec vous, professionnels, par le passé, si elles n’ont pas été toutes malheureuses, ont en revanche toujours contenu une part d’éprouvant. Trouver comment mettre en mots ce que je vis, ce qui m’anime et ce qui me ruine, et après ça, ne pas avoir de crédit, ne pas me sentir entendue, ne pas être soutenue, et parfois être jugée et disqualifiée, non seulement dans mon vécu mais aussi dans mes efforts, c’est le risque que je prends à chaque nouvelle rencontre avec un professionnel…
Depuis longtemps maintenant, et avec toujours plus de poids au fil du temps, mon corps m’empêche de faire ce que je veux, et d’être où je devrais. On a du mal à être raccord, lui et moi. Quand il s’amène, toute l’attention est portée sur lui. Et puis là, lors d’une journée sur les TCA, on ne risquait pas de le laisser tranquillement dans son coin. Mais c’est surtout mon attention à moi qui se porte tout entière sur lui. Au point de m’éclipser, moi. De ne plus pouvoir parler, ni de lui, ni de moi. Et encore moins de mes TCA.
Et puis, être devant Vous Tous, pour cette journée sur les TCA, sur mon Problème, ma Maladie… Ce n’est pas si simple. C’est terrible, parce que ça rend mon Problème réel à d’autres yeux que les miens, mes yeux qui ont déjà du mal à faire avec. Vos regards, aussi bienveillants puissent-ils être, sont (encore un autre) un risque pour moi. Etre là, c’est m’exposer. M’exposer à vos idées, à vos préjugés, à votre curiosité, à nos impuissances et à nos incompréhensions, … et aux crises aussi. Evidemment aux crises. Quoi de plus confrontant que de pouvoir enfin prendre la parole pour parler de ce qui me ronge, et de ne pas me vivre à la hauteur ? …
On a envisagé toutes sortes de modalités, mais malgré l’importance que cette journée représente, malgré ma légitimité à être là, mes écrits sont la seule présence que je suis capable de vous offrir aujourd’hui. En attendant de pouvoir un peu plus, peut-être, le prochain pas.
Iléana