Interventions JMTCA

TCA, addictions… et l’homme des cavernes

TCA, addictions… et l’homme des cavernes Intervenant Pr. Dr Daniele ZullinoPsychiatre addictologue, Médecin chef du service d’addictologie, Hôpitaux Universitaires de Genève et Professeur en Faculté de Médecine Nous avons le même cerveau que l’homme des cavernes où survivre supposait se reproduire et avoir assez de calories utiles à la pérennité de l’espèce… mais ces gènes ont peu évolué comparativement aux nombreuses évolutions culturelles de notre société. Actuellement l’alimentation comporte plus de sucres et de graisses, elle est davantage transformée et plus calorique et plus riche en goût ; des processus physiologiques inoffensifs peuvent ainsi devenir pathologiques. Les critères diagnostic de toute addiction sont constants et les bases neurobiologiques de la dépendance sont communes.On peut être dépendant sans addiction, par exemple au « café ». L’addiction est un comportement mal adapté avec un investissement progressif sur l’utilisation d’un produit pouvant aller jusqu’à la passion. Cet investissement prend de plus en plus de place et aboutit à un comportement alternatif négligé : allant jusqu’au sacrifice de la vie sociale. L’addiction est une passion qui a « mal tourné », incluant la perte de contrôle et l’automatisation qui représentent l’incapacité à résister pour commencer une consommation d’où l’importance de mettre de la conscience là où il y a automatisation. L’initiation à un produit entraine une consommation hédonique et on se rappelle du plaisir engendré.Le plaisir ne rend pas addictif et c’est le processus d’automatisation qui amène au stade de l’addiction où se perd l’emprise du raisonnement sur la consommation : « ça passe en dessous du radar de la conscience ». Au niveau du cerveau, la sécrétion de la dopamine est augmentée en réponse à des choses plaisantes telles que sexualité, aliments, nouveautés, relations sociales…même des stimuli rappelant ces choses plaisantes suffisent : comme, par exemple, l’odeur de l’alcool, la vue d’un aliment. Le soin nécessite un processus d’engagement du patient dans lequel médecin et patient se mettent d’accord sur le problème (mélange chaotique entre théories médicales et croyances et entre des compréhensions différentes…) et recherchent un dénominateur commun, toujours plus bas que ce qu’on espère, mais qui permet un accord sur la solution en adéquation avec le problème (comme le trouble est chronique, on en rediscute souvent !) Chaque TCA étant une addiction, l’approche thérapeutique doit être liée au mécanisme de l’addiction : pas question d’abstinence ou de sevrage qui ne marchent pas si le patient ne le veut pas. L’objectif est d’apprendre au patient à avoir un comportement alternatif dans son propre environnement, à l’endroit où l’addiction se produit : domicile, bar, restaurant…

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Parcours de soins et partenaires associatifs

Parcours de soins et partenaires associatifs « TCA : l’intervention communautaire » Intervenant Jérôme Tremblay Coordonnateur clinique – ANEB Anorexie et boulimie, Québec (en visioconférence) ANEB Québec : ANorexie Et Boulimie Québec, organisme à but non-lucratif existant depuis plus de 30 ans. Créépar le Dr Pierre Lechner, qui croyait fortement en une approche communautaire et à la création de groupesd’entraide dans le but d’aider les personnes souffrant d’un trouble alimentaire.« L’approche communautaire tire son fondement premier de l’affirmation selon laquelle les problèmes sociaux etles problèmes de santé sont de nature collective et doivent faire l’objet de solutions collectives (Favreau etFréchette, 2003). » ANEB propose des services complémentaires au milieu hospitalier, gratuits, comme : Ligne d’écoute et de références – 7 jours/7, de 8h am à 3h am (sans frais) ; Messagerie texto du lundi auvendredi, 11h à 20h « Clavardage » individuel et de groupe ; groupes de soutien ouverts ou fermés (TCA & proches) Des activités préventives et éducatives, sous forme de conférences ou d’ateliers, comme par exemple : comprendre l’influence des normes sur l’image corporelle Les préjugés sur les corps différents et leurs impacts sur le parcours de soins des personnes : la simplicité sociétale veut que « Les gros doivent maigrir en mangeant moins et les maigres doivent grossir en mangeant plus ».On ne doit jamais réduire les malades à un corps, à un poids, à une balance, à un IMC : réduire les personnes à un poids bloque la prise de poids comme la perte de poids.D’autant que les personnes consultent pour leurs souffrances, pour leur trouble pas pour leur poids, même si elles commencent souvent par parler de poids. Pour sensibiliser la population à la maladie et ses enjeux, depuis 8 ans déjà, la« Semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires » est un évènement majeur, dirigé au Québec par Anorexie etBoulimie Québec (ANEB) et La Maison l’Éclaircie, avec l’aide de nombreux partenaires du milieu communautaire, privé et hospitalier. De plus, en 2019, ANEB a lancé « Au-delà de l’image » : un projet pour aider les jeunes à développer un regard critique face aux messages véhiculés dans les médias concernant le poids et l’apparence et, d’autre part, outiller les jeunes sur des sujets tels l’image corporelle et l’estime de soi ou encore la stigmatisation et l’intimidation liées à l’apparence. Prévention oui, mais prévenir sans nuire en gardant en tête que les TCA sont complexes et que chaque trouble alimentaire est unique. Prendre conscience de ce qui est à éviter et ce qui est à favoriser comme intervention en lien avec les TCA, les enjeux alimentaires ou corporels, par exemple : Promouvoir le respect de la diversité corporelle, culturelle et donc éviter les jugements liés au poids et les stéréotypes dans vos discours ; Éviter de complimenter principalement sur l’apparence physique et sur une perte ou une prise de poids. Ce type de compliment, bien que se voulant positif, peu encourager une personne à se concentrer sur son poids et croire que la prise ou la perte de poids est synonyme de réussite ; Éviter de catégoriser certains aliments comme étant bons ou mauvais et de mentionner que des aliments sont interdits car des études démontrent que la restriction et les interdits alimentaires favorisent les obsessions et les compulsions (appelés aussi crises alimentaires).

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Croyances ou réalités ?

Croyances ou réalités ? TCA au quotidien Intervenant Corps en Révolte Paroles de personnes concernées Au fil des ans, de nombreux mythes, de nombreuses croyances sont véhiculés au sujet des personnes souffrant d’un TCA. Ils se sont immiscés dans notre société, dans notre mémoire collective et subsistent de nos jours : ce qui contribue malheureusement aux préjugés et à la stigmatisation qui les entourent. Plusieurs nous ont été transmises par nos familles, nos amis, nos collègues de travail et la société, plus précisément la culture de la société dans laquelle nous vivons. Une chose est certaine : c’est que ces croyances, ces mythes viennent de quelque part, et qu’ils peuvent nous orienter dans de fausses directions individuelles et collectives. Afin que ces personnes se sentent mieux comprises et qu’elles soient plus à l’aise à demander ou à recevoir de l’aide, des soins, il est important de défaire ces idées préconçues.Quelques exemples de croyances à déconstruire : « Souffrir de TCA, c’est uniquement avoir un problème pour manger « normalement »Souffrir d’un TCA va bien au-delà de la nourriture, cela génère a minima des problèmes de santé physique et psychique, un appauvrissement social et économique. Souffrir d’un TCA, c’est un combat de tous les instants, un combat permanent que les gens ne soupçonnent pas. « Les TCA n’ont rien à voir avec la toxicomanie et l’alcoolisme »Les TCA, une drogue, une addiction…. Des points de similitudes avec la toxicomanie ou l’alcoolisme…. Oui, aucun doute…. Les processus des phases successives s’enchainent ainsi :Une pensée de nourriture surgit, puis, cette pensée envahit le champ de la conscience, s’impose et plus rien ne compte… Parfois la personne malade tente de résister, mais la pensée est là, obsédante, toute puissante et l’angoisse monte et avec elle l’irritabilité, la nervosité. Puis vient le passage à l’acte, majoritairement dans la solitude et la certitude de perdre tout contrôle en découle. Pour arriver au dégoût de soi-même, la colère contre soi, la culpabilité et la honte. « J’arrête quand je veux : sortir d’un TCA, c’est surtout une question de volonté »Souffrir d’un TCA ne relève pas d’un choix du patient de ne pas ou de trop s’alimenter mais d’une maladie mentale potentiellement grave, reconnue et classifiée dans le registre des maladies psychiatriques. Quel que soit le TCA, c’est une maladie, le manque de volonté n’y est pour rien.Cette maladie représente une stratégie de gestion émotionnelle, autrement dit la moins pire solution qu’on avait à portée de main à un instant T. Durant toute la durée du parcours de soin, de l’accompagnement d’une personne souffrant d’un TCA : déculpabiliser toujours une personne souffrant de TCA, lui rappeler sans cesse qu’elle a une maladie, que personne choisit d’être malade, qu’elle n’est pas responsable même si c’est elle qui agit et qu’elle ne doit vraiment pas rester seule avec son trouble.

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Intérêts et limites d’un Hôpital De Jour

Intérêts et limites d’un Hôpital De Jour pour les 16-25 ans souffrant de TCA Intervenant Dr Pommereau :Psychiatre de l’enfant et de l’adolescent Et son équipe Dr Pommereau, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent, crée en mai 2019 un service d’hospitalisation de jour pour les jeunes de 16 -25 ans souffrant de TCA. Cette clinique se situe en face du campus universitaire, d’ailleurs, 90% des patientes sont des étudiantes qui peuvent ainsi poursuivre leurs études et être en soin ½ à 2 jours par semaine auprès d’une équipe pluridisciplinaire. Un TCA c’est déjà un enfermement de l’intérieur, il est nécessaire d’aller vers l’ouverture : pas d’hospitalisation sous contrainte, pas d’enfermement, c’est une prise en charge de soin contre-productive. La philosophie des soins de cet accueil de jour s’ancre sur l’adhésion du patient et les soins s’appuient sur ses compétences des personnes. Diverses médiations, notamment artistiques sont proposées et conduites en binôme professionnel / patient. De plus, la collaboration avec les parents représente également une ouverture, ils sont associés notamment autour d’un groupe de parents. La complexité des TCA rend indispensable la nécessité de penser d’autres méthodes de soins, des alternatives à l’hospitalo-centrisme et même d’expérimenter, d’innover d’autres modalités de soins.

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RégimeS et FauX-SemblantS

RégimeS et FauX-SemblantS Le poids des mots dans l’alimentation Intervenants Stéphanie Gisclard-Buisine et Nicolas Tête :Diététiciens – Centre Référent TCA, Lyon Cécile Lagouche :Diététicienne libérale, Caluire Paroles de personnes concernées L’injonction sociétale, médicale « il faut faire attention à votre poids » peut faire plus de mal que de bien : un régime peut générer un TCA.Le début de « la faim psychologique » : toute restriction cognitive même « normo-calorique »(régime sans interdits alimentaires) peut entraîner des sélections et évictions d’aliments et engendre frustration, et augmente le risque de compensation /compulsions alimentaires et inévitablement des alternances de phases de prises et de pertes de poids : mincir peut faire grossir !La dénutrition ainsi induite aggrave les états de fatigue, l’irritabilité, l’anxiété, le syndrome dépressif…Cet ensemble intensifie le risque d’installation d’un TCA et détériore des sensations alimentaires et rend impossible l’alimentation intuitive. Plusieurs clés pour la réussite d’un soin sur la durée avec la personne concernée : Instaurer une alliance thérapeutique basée sur la confiance réciproque La personnalisation du soin est indispensable Se former afin d’améliorer sa pratique Limiter l’image de la « toute puissance du soignant » et favoriser le « essayons ensemble » Etre bienveillant et déculpabiliser Communiquer autour des rechutes possibles comme étape du processus de soin Expliquer ses limites sans pour autant se décrédibiliser Un soignant prend soin, il ne doit pas nuire (« Primum non nocere ») et pour cela il parait indispensable de connaître et d’expliquer ses limites, sachant que cela ne décrédibilise pas, de se former afin de développer ses connaissances dans le domaine et d’échanger avec d’autres, notamment au sein d’un réseau.

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Profil neuropsychologique et TCA

Profil neuropsychologique et TCA Une intervention à deux voix Profil neuropsychologique des personnes souffrant d’un TCA Intervenantes Perrine Bertrand et Marion Recollon-Mingat :Psychologues cliniciennes spécialisées en neuropsychologie – Centre Référent TCA, Lyon Paroles de personnes concernées Le mal-être, la culpabilité, la honte, le manque de confiance en soi, d’estime de soi et d’affirmation de soi, le besoin de contrôle, le perfectionnisme, la rigidité, la peur d’échouer, le rejet ou la peur de son propre plaisir et le sentiment d’impuissance caractérisent l’ensemble des TCA, pouvant pour certains éléments participer à leur installation. Rigaud, Gimenez & Perroud, 2016 Un sentiment notamment de débordement de ses capacités à s’adapter, d’évènements de vie perçus comme incontrôlables induisent la mise en place de stratégies pour soulager les tensions internes et préserver l’équilibre mental, pour réguler la charge émotionnelle du quotidien : « La moins mauvaise solution pour faire face ». Mais les effets bénéfiques sont de courte durée et avec le temps, malgré les signaux négatifs du corps, il est difficile de modifier le comportement mis en place. Une certaine rigidité s’installe, un manque de flexibilité mentale, la capacité à changer notre façon de faire pour s’adapter dans le quotidien diminue : focalisation sur des détails, difficultés à envisager des perspectives plus larges et centration sur les éléments négatifs du quotidien excessive. Les comportements deviennent compulsifs, irrépressibles ; une distorsion de la pensée concernant son corps, sa valeur perçue se développe et la capacité à se concentrer et à retenir des choses diminue : ruminations, envahissement de la pensée par les thématiques alimentaires et corporelles qui prennent toute la place : préoccupations massives, majeures. La maladie fait faire et dire certaines choses, il est indispensable de les distinguer, car la personne agit sous contrainte de la maladie. Il est essentiel de proposer son écoute, sans insister, si la personne ne peut s’en saisir. Coupé de ses ressentis, elle navigue à vue : «vouloir faire changer les choses trop vite reviendrait à enlever la bouée de quelqu’un qui se noie ! »

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